J’ai commencé par écrire pour moi. J’ai commencé si jeune et tellement pour moi seule que j’écrivais en code dans un journal à fermoir dont je ne me séparais jamais!
Une fois lancée dans ce premier journal, je ne me suis jamais arrêtée. J’ai écrit dans une langue, puis dans une autre, sur des cahiers, dans des carnets avec ou sans lignes. J’ai essayé toutes les formes, exploré tous les dispositifs, fait tous les exercices. C’était souvent avec grand plaisir et la plupart du temps, pour comprendre, pour creuser, pour exorciser la souffrance, la confusion, le désespoir.
Ces pages d’écriture sans structure, sans intérêt même pour moi quand je tente de les relire, sont ma façon de me pencher sans m’y noyer sur cet océan qu’est la vie et qui, souvent, menace de m’engloutir. Elles sont le radeau sur lequel je fais le voyage du désespoir à l’espoir, de la confusion à la clarté, de la peur à la confiance, vers cette image de paix et d’espoir qui n’a jamais cessé d’éclairer mon horizon.
Une chance que je sois tombée dedans si jeune, car comme dit Lionel Duroy: Heureux qui peut écrire et dévorer ce qui le dévore.
Mais continuons: adolescente, puis jeune femme et maman, j’ai aussi commencé à écrire des histoires. Tout à coup, j’étais happée par une image, une intuition qui émergeait au détour d’une phrase écrite dans mon journal ou lue dans un livre. Elle m’appelait, me demandait, que dis-je, me commandait de l’explorer. Elle se transformait vite en début d’intrigue et je me lançais dans l’aventure avec une immense énergie et beaucoup de passion.
Hélas, petit à petit, j’étais rattrapée par mes démons et j’avais de plus en plus de mal à poursuivre ce qui se transformait en corvée. Finalement, le doute et le manque de confiance en moi me forçaient à abandonner une tâche qui me semblait désormais dénuée d’intérêt et totalement au-dessus de mes forces.
Mais on n’échappe pas si facilement à son destin. Ces images, ces intuitions, ces histoires à écrire n’ont jamais cessé de me hanter. Blotties au creux de mon âme, elles sont restées à l’affût, guettant la faille par où elles pourraient à nouveau s’engouffrer dans mon quotidien.
Elles ont attendu que les enjeux se modifient, que les priorités s’éclaircissent, que la maturité et le travail portent leurs fruits. Et le moment venu, elles ont resurgi, les unes après les autres pour prendre leur place dans ma vie, là où je créais pour elles un peu d’espace et de temps.
Maintenant, elles s’installent, elles me poussent, elles me trainent si nécessaire, vers ce travail de création qui m’émerveille et me terrorise à la fois.
Elles murmurent aussi qu’à mon âge, on n’a pas de temps à perdre si on veut laisser une petite contribution au monde qui vous a donné une vie et les moyens d’en profiter.